132e Open d’Argentine Carton plein pour la famille Cambiaso.
- Pascal Renauldon
- il y a 1 jour
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Ils étaient trois en finale : Mía samedi dans l’Open féminin, Adolfo et Poroto dimanche dans le 132ᵉ Open. Les trois repartent titrés. La dynastie continue d’accumuler les records : Mía décroche son cinquième Open sur neuf disputés, Poroto remporte un deuxième sacre à tout juste vingt ans, et Adolfo… Adolfo Cambiaso soulève pour la dix-neuvième fois l’Open d’Argentine : il n’est plus qu’à une longueur du record absolu de Juan Carlos Harriott, joueur emblématique de Coronel Suárez (de 1957 à 1959, de 1961 a 1970, en 1972 et de 1974 à 1979). Un record qu’il va forcément tenter d’égaler l’année prochaine à 51 ans. Le GOAT n’a pas (encore) fini de régner. Ce week-end, Palermo était leur royaume, sous les yeux du président Javier Milei, qui suivit tout le match avec le casque de Cambiaso sur les genoux avant de le coiffer lors de la remise des prix.

La finale opposait des formations inédites qui n’en étaient pas tout à fait : quatre équipes pour le prix de deux. D’un côté, la fusion historique de La Natividad et de La Dolfina, réunies pour une cousinade aussi improbable que géniale ; de l’autre, la renaissance d’Indios Chapaleufú II, rallumée par les fils de Pepe et Ruso Heguy associés aux frères Facundo et Gonzalito Pieres. Sur la cancha 1, presque tout le monde savait ce que représentait le goût d’une victoire à Palermo : Adolfo Cambiaso dix-huit fois, Poroto une fois, Jeta et Barto Castagnola trois fois chacun, Gonzalo Pieres trois fois, Facundo cinq fois. Seuls Cruz et Antonio Heguy découvraient ce Graal de l’histoire du polo mondial.

Le match démarra sur un ton inattendu. Ellerstina–Chapaleufú Vista prit les devants, surprenant la machine bleu-vert qui n’avait jamais connu la défaite cette saison. Mais tout bascula dans cet incroyable passage entre les troisième et quatrième chukkers : un 6–0 venu d’ailleurs, qui renversa le match en faveur des Cambiaso–Castagnola. Ellerstina trouva pourtant les ressources pour revenir, infligeant à son tour un 6–2, jusqu’à ce tournant brutal : la blessure de Facundo Pieres en début de huitième période. Touché après un contact, projeté au sol, il se releva en boitant ; ses adducteurs avaient lâché. À deux goals du tableau d’affichage, la remontada se fissura. « Beaucoup de frustration, confiera plus tard Antonio Heguy. On était prêts pour cette finale, on pouvait la gagner. On avait très bien commencé, mais ce terrible passage où nous avons encaissé un 6–0 nous a coûté cher. Contre une équipe comme celle-là, on ne peut pas laisser filer une telle avance. On est revenus, mais courir derrière eux, c’est presque impossible. »

La Natividad La Dolfina déroula alors ce qu’elle avait offert toute la saison : constance, précision, sang-froid. Premier titre de la coalition familiale à Palermo, et Triple Couronne dans la foulée de Tortugas et Hurlingham. « C’est une joie immense, expliquait Poroto Cambiaso. Je suis très ému de partager ce titre avec ma famille : mon cousin, ma mère, mes sœurs, et tous ceux qui travaillent derrière nous. C’est un match que tout joueur rêve de disputer. Cette année, on jouait la Triple Couronne, et surtout en famille. Ma première victoire à Palermo restera unique, mais celle-ci l’est tout autant : c’est ma première Triple Couronne. Je vais la fêter comme mon premier Abierto. »

Le jeune prodige revint aussi sur les moments clés : « On a su rester calmes pendant les huit chukkers. Sous cette pression, l’équipe a joué l’un de ses meilleurs matches. On se devait d’être à ce niveau face à une équipe aussi forte. » Il glissa un mot sur son père et son dix-neuvième titre : « C’est fou… Quand on a construit l’équipe, j’ai dit : “On vise les 19, et après tu ne peux plus arrêter !” Il décidera s’il veut jouer une année de plus. Nous, on veut qu’il continue. S’il reste avec nous, on ira chercher le record — ou au moins on essaiera. »
Jeta Castagnola, lui aussi, savourait ce moment intense : « Nous avons très bien joué en équipe. On a su faire la différence, puis rester patients quand ils sont revenus au score. Les moments importants, on les a gagnés ensemble. C’était une très belle finale. Ellerstina–Chapa a réalisé une saison exceptionnelle, un polo magnifique à voir. Et puis… c’est notre première Triple Couronne. Il faut la savourer : c’est le niveau le plus difficile au monde. La gagner avec un cousin, un oncle, un frère… c’est unique. »

Restait le Maestro, Adolfo Cambiaso, à qui l’on demandait ce que représentait ce nouveau sommet dans une carrière déjà impossible à résumer. « C’est un rêve qui se réalise. Je pense que, même à mon âge, c’est la meilleure année de ma carrière. J’ai gagné tous les grands tournois possibles à l’étranger et parfois je suis le premier surpris de ce que j’arrive encore à accomplir. Rien de tout cela n’existerait sans le soutien de ma famille : ce groupe autour de nous est exceptionnel. » Il sourit en repensant au match : « Je l’ai vécu de façon spectaculaire. J’étais nerveux parce qu’il s’agissait également de décrocher la Triple Couronne — et nous la méritions. C’est le meilleur match de notre saison : on a joué en vrai collectif, en attaquant tous, en défendant tous. J’ai adoré. »
Palermo n’a pas seulement couronné une équipe : il a confirmé l’hégémonie d’une famille, d’un style, d’un héritage. Et offert au GOAT une nouvelle marche vers l’éternité.
L’Open féminin, belle finale mais…
On regrettera seulement que l’Open féminin n’ait réuni cette année que trois équipes. Le format réduit fragilise l’élan remarquable qu’a connu le polo féminin ces dernières saisons, et pose une question que l’AAP devra tôt ou tard affronter : comment rendre la compétition viable pour les joueuses, notamment européennes, qui doivent supporter les coûts du voyage, l’inflation argentine, la location de chevaux et un niveau équestre devenu presque inaccessible face aux machines parfaitement huilées d’UAE Polo ou, plus encore, de La Dolfina ? Même La Hache, avec en son sein l’ancienne meilleure joueuse du monde, Lia Salvo, n’a pas trouvé la solution cette année, s’inclinant lors de ses deux rencontres. Peut-être faudra-t-il envisager à terme une limite à 30 goals, voire moins, pour réajuster un tableau devenu trop déséquilibré.

Le match, lui, n’a souffert d’aucune ambiguïté. L’an dernier, La Dolfina avait perdu en finale face à UAE Polo, où Millie Hine et Hope Arellano avaient brillé. Mía Cambiaso a simplement fait ce que l’on appelle en Argentine « reforzar » : elle a récupéré les deux talents phares de l’adversaire, et a construit autour d’elles une équipe invincible. La finale l’a confirmé sans jamais trembler : La Dolfina a maîtrisé la rencontre de bout en bout et Mía Cambiaso a décroché, à seulement 23 ans, son cinquième Open sur neuf disputés. Millie Hine ajoute également un cinquième titre, égalant Cande Fernández Araujo au sommet du palmarès du tournoi. Hope Arellano signe son troisième sacre, tandis que Cata Lavinia obtient le premier titre de sa jeune carrière.
« Je suis très heureuse. Jouer à ce niveau, c’est avant tout un plaisir : je m’amuse et j’en profite », confiait Mía à la sortie de la cancha 2. « Le match a été dur ; UAE a mieux joué que lors de notre premier affrontement. Mais avec mon équipe, on passe toujours de très bons moments, et aujourd’hui encore c’était vraiment très agréable. » Interrogée sur le titre de MVP qui lui a été décerné, elle sourit : « Je laisse ça à mes coéquipières… » Une manière pudique de souligner que, dans cette équipe, la performance est collective et que chacune a pesé sur la finale. Quant aux célébrations, elles ont trouvé leur tonalité dès la sortie du terrain : « Pour fêter ça, on hésite… Moi je resterais bien au lit, mes coéquipières veulent sortir ! » Un dilemme vite réglé si l’on connaît l’énergie solaire — et la réputation festive — de Milly Hine, confirmée dans les heures qui ont suivi sur les réseaux sociaux.

La Dolfina remporte ainsi un cinquième titre féminin et confirme, encore une fois, que son modèle n’a pas d’équivalent dans le polo mondial. Reste désormais à espérer que l’AAP saura donner à ce tournoi la profondeur et la diversité qu’il mérite, afin que le niveau d’excellence affiché cette année ne devienne pas une barrière, mais une invitation à l’ambition.
La valse des équipes et des handicaps
Dès le début de la semaine suivante, commençait le moment toujours ludique — et parfois cruel — de la valse des joueurs et de la publication des nouveaux handicaps. Côté recompositions, de gros remous. Certaines formations, malgré des individualités éclatantes, n’ont pas fonctionné comme on pouvait l’imaginer, tandis que d’autres ont dépassé toutes les attentes. C’est le cas d’Ellerstina–Chapaleufú, qui conserve la même composition pour 2026, tout comme La Natividad–La Dolfina, qui tentera d’offrir à Adolfo Cambiaso l’occasion d’égaler le record de Juan Carlos Harriott. Pour le reste, il sera plus simple de se référer à la liste désormais définitive des équipes engagées dans la Triple Couronne 2026.
Côté handicaps, pas de promotion à 10 chez les hommes, mais une petite bombe : après dix-sept ans à 10 de handicap, douze titres à Palermo et quatre Triple Couronnes, Juan Martín Nero a été abaissé à 9.À l’inverse, plusieurs progressions notables : Antonio Heguy, finaliste, passe de 8 à 9 ; Lorenzo Chavanne et Beltrán Laulhé montent de 7 à 8. En revanche, le Sud-Africain Nachi du Plessis et l’Argentin Jero del Carril redescendent.
Chez les femmes, on retiendra la promotion au grade suprême de Mía Cambiaso, désormais 10 de handicap — faisant d’elle le troisième membre h10 de la famille (pas de jaloux). Cette distinction vient récompenser son cinquième titre dans l’Abierto femenino et sa victoire, aux côtés de son père, dans l’Open de Grande-Bretagne en juillet dernier.
Les équipes de la Triple Couronne 2026
La Natividad–La Dolfina : Jeta Castagnola, 10 ; Poroto Cambiaso, 10 ; Adolfo Cambiaso, 10 ; Barto Castagnola (h.), 10. Total : 40
Ellerstina–Indios Chapaleufú : Facundo Pieres, 10 ; Antonio Heguy, 9 ; Gonzalo Pieres (h.), 9 ; Cruz Heguy, 9. Total : 37
Las Monjitas : Rufino Bensadón, 8 ; Lukin Monteverde, 9 ; Pelón Stirling, 9 ; Juan Martín Nero, 9. Total : 35
La Ensenada (nom à confirmer) : Juan Britos, 8 ; Diego Cavanagh, 8 ; Juan Martín Zubía, 9 ; Jerónimo del Carril, 8. Total : 33
La Hache : Benjamín Panelo, 8 ; Carlos María Ulloa, 7 ; Hilario Ulloa, 9 ; Tomás Panelo, 9. Total : 33
Nom à confirmer : Victorino Ruiz Jorba, 8 ; Gonzalo Ferrari, 8 ; Francisco Elizalde, 9 ; Teodoro Lacau, 8. Total : 33
Nom à confirmer : Bautista Bayugar, 8 ; Alfredo Bigatti, 8 ; Joaquín Pittaluga, 8 ; Ignacio Laprida, 8. Total : 32
La Aguada (nom à confirmer) : Facundo Cruz Llosa, 8 ; Kristos Magrini, 7 ; Pedro Zacharias, 8 ; Felipe Vercellino, 8. Total : 31
Équipes devant (re)passer par les qualifications
La Irenita (nom à confirmer) : Polito Pieres, 9 ; Paco de Narváez, 8 ; , 10 ; Matías Mac Donough (jr.), 7. Total : 33
La Zeta–Kazak : Lorenzo Chavanne, 8 ; Beltrán Laulhé, 8 ; Guillermo Caset, 9 ; Nicolás Pieres, 9. Total : 34
La Dolfina II : Lucas Criado (jr.), 8 ; Mariano González (jr.), 8 ; Isidro Strada, 8 ; Ignatius du Plessis, 8. Total : 32
Ainsi, avec le système de points un peu… particulier imaginé par l’AAP, on se retrouve avec deux équipes reléguées aux qualifications qui afficheront un niveau de handicap supérieur à celui de cinq formations engagées dans la Triple Couronne 2026. Des qualifs où l'on retrouvera d'ancianes vainqueur de l'Open: Polito Pieres, Polito Pieres, Nicolás Pieres et Nachi du Plessis ! Insolite, pour ne pas dire surréaliste.
Résultats et statistiques :
132e Open d'Argentine Galicia
La Natividad La Dolfina : Jeta Castagnola 10 (3 goals, dont un corner), Poroto Cambiaso 10 (7, dont deux pénélités), Adolfo Cambiaso 10 (3) et Barto Castagnola 10 (4). Total : 40.
Ellerstina Indios Chapaleufú Vista : Facundo Pieres 10 (6, dont quatre pénalités) (blessé, remplacé par Pedro Zacharias 8, à 1 m 16 s du huitième chukker), Antonio Heguy 8 (3), Gonza Pieres 9 (1) et Cruz Heguy 9 (3, dont une pénalité). Total : 36.
Progression La Natividad La Dolfina : 2–2 / 3–5 / 6–5 / 11–5 / 12–6 / 13–9 / 14–12 et 17–13
Prix spéciaux:
BPP : Lovelocks Drogba – Barto Castagnola
Meilleur cheval de race argentine : Dolfina Copas – Poroto Cambiaso
MVP de la finale : Barto Castagnola

Meilleurs scoreurs de l’Open 2026, Prix Hublot : Hilario Ulloa et Facundo Pieres – 35 goals chacun
Open féminin :
La Dolfina :
Hope Arellano 10 (3 goals dont 1 pénalité), Catalina Lavinia 8, Mía Cambiaso 9 (4), Milly Hine 9 (2 dont 1 pénalité).
Total : 36.
UAE Polo :
Hazel Jackson 10 (4), Candelaria Fernández Araujo 10, Carina Clarkin 9, Maitena Marré 7.
Total : 36.
Progression La Dolfina : 1-1, 1-2, 4-2, 5-2, 7-4, 9-4.
Prix spéciaux
· Prix AAP MVP : Mia Cambiaso.
· Prix Zulki de la meilleure réalisatrice du tournoi : Millie Hine (13 goals en 3 matchs).
· Prix AAP du meilleur cheval de la finale : Don Ercole Heyla, joué par Catalina Lavinia.
· Prix du meilleur cheval argentin enregistré au stud-book AACCP: Monjita Bag Lady, joué par Hope Arellano.
Playoffs

La Aguada : Facundo Llosa 8 (5 buts, dont trois pénalités), Kristos Magrini 6 (2), Pedro Zacharias 8 (5, dont deux pénalités) et Felipe Vercellino 7 (1 pénalité). Total : 29.
La Zeta Kazak : Lorenzo Chavanne 7 (5 tirs au but), Beltrán Laulhé 7 (3), David Stirling (h) 9 (3, dont un tir au but 1) et Nicolás Pieres 8 (1). Total : 31.
La Aguada : 2-1, 3-2, 4-4, 5-8, 8-10, 10-11 et 13-12.







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